Relation homme-chien : a-t-on besoin de la hiérarchie pour la décrire ?

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Face à l’incroyable diversité et richesse de la relation entre l’homme et le chien, de nombreux chercheurs se sont intéressés à la comprendre et à lui donner une valeur scientifique. Ainsi dans les années 70 en se fondant sur l’observation de loups en semi-liberté, ils ont défini une socialité de type dominance-subordination chez les loups, puis l’ont appliquée aux chiens, pour enfin expliquer la relation homme-chien. Depuis, de nombreux professionnels (éducateurs, comportementalistes, vétérinaires) l’utilisent pour à la fois donner un sens aux comportements du chien vis-à-vis de l’humain mais aussi pour asseoir leur thérapie et orienter les comportements que l’humain doit avoir envers son chien. Si les recommandations sont suivies à la lettre, il ne doit pas y avoir de problèmes. Mais au regard du quotidien des maîtres et de leur chien, tout ne semble pas si simple.

C’est quoi la hiérarchie de dominance-subordination ?

Le concept de hiérarchie est utilisé en éthologie pour décrire la distribution ordonnée “des droits et des devoirs” au sein d’un groupe d’animaux d’une même espèce sociale. Il s’agit d’un classement dans lequel le rang d’un individu au sein du groupe est obtenu après un affrontement deux à deux. Le vainqueur de cette compétition est appelé “dominant”, le perdant “subordonné”. Le concept de relation de dominance / subordination répond à trois critères précis : existence d’une interaction agonistique (interaction qui contribue à l’éloignement de deux individus, s’opposant aux interactions affines ou positives qui contribuent au rapprochement de deux individus) avec comportement d’agression, d’évitement ou de soumission, à l’issue de laquelle, deux individus étant en compétition, émergent un vainqueur et un vaincu.

La relation de dominance / subordination entre deux individus d’une même espèce est un type de relation qui s’établit à partir de la répétition, un relecteur préférerait à la suite, d’une ou plusieurs interactions agonistiques. A partir de cette relation, un individu est dominant, l’autre subordonné (ou dominé). C’est nécessairement après plusieurs interactions qu’on peut être sûr que la relation est établi. Un facteur d’apprentissage peut intervenir : le résultat des interactions précédentes et prédictif de l’issue des interactions suivantes. La dominance est une relation “apprise” ce n’est en aucun cas un trait de personnalité de type “être dominant”.

A l’issue de l’analyse de l’ensemble des relations de dominance / subordination entre chaque dyade d’individus au sein d’un groupe, on peut ainsi mettre en évidence une hiérarchie de dominance / subordination.

Le modèle linéaire de la hiérarchie de dominance / subordination a été ainsi appliquée aux loups à la suite d’observations d’animaux captifs. Mais les travaux sur le loup sauvage, ne confirment pas ces données largement répandues. En réalité l’organisation des meutes non captives est sensiblement différente et se compose d’une cellule familiale constituée des parents, du couple reproducteur et de leurs descendants des deux à trois années précédentes. Au sein de la meute, les individus sont donc apparentés et le système familial est fondé sur la coopération, les jeunes issus des portées précédentes aident aux soins parentaux et à la chasse. Les jeunes arrivés à l’âge adulte se dispersent et cherchent d’autres congénères à des fins de reproduction pour constituer une nouvelle meute. Les parents, reproducteurs et dominants, reçoivent des comportements de soumission spontanés de leurs jeunes.

La domestication du chien est complexe mais commence à être mieux connue. La domestication est le processus par lequel une population animale devient adaptée à l’homme et à un environnement de captivité par des changements génétiques. Les données archéologiques et génétiques montrent que le loup gris “Canis lupus” est l’ancêtre du chien domestique “Canis familiaris”. Mais la pression de sélection par l’homme a conduit à des disparités morphologiques et comportementales majeures. L’estimation actuelle de la domestication du chien est d’environ 30000 ans. C’est de très loin la première espèce domestiquée et ce avant même la sédentarisation de l’homme. Sous la pression de sélection artificielle les relations sociales observées chez le chien ne peuvent donc être identiques à celles observées chez le loup.

En ce qui concerne les chiens, les chercheurs se sont intéressés à une population de chien vivant en liberté en Italie. Ces travaux ont permis de faire émerger des différences importantes entre la structure sociale des chiens et des loups vivant sur une même zone géographique. Les unités sociales des chiens féraux (retourné à l’état sauvage) ne fonctionnent pas comme les meutes de loups. Ces auteurs recommandent d’ailleurs de ne pas utiliser le terme de “meute” (correspondant à une unité familiale avec un couple reproducteur monogame et ses descendants) pour détruire les groupes sociaux de chiens. Contrairement aux loups, les chiens se regroupent sans organisation particulière, les individus du groupe étant le plus souvent non apparentées. Cela affecte directement la taille potentiel du groupe, le système de reproduction et l’efficacité de cet ensemble en tant qu’unité fonctionnelle (chasse, défense du territoire, soins aux jeunes). La structure sociale, comprenant plusieurs couples reproducteurs n’étant pas forcément apparentés, ne permet pas un mécanisme efficace de régulation de la population en fonction des conditions environnementales. Les comportements sociaux des chiens ne permettent pas d’obtenir une bonne efficacité dans des activités de groupe. Il en résulte une faible habileté à la chasse, une limite dans la taille des proies chassés, une faible efficacité, voire une absence, de soins aux petits, et, indirectement, une dépendance alimentaire et spatiale vis-à-vis des humains. Bien que quelques différences dans d’autres groupes de chiens féraux soient observées en Inde, en Italie ou en Ethiopie, les auteurs ont tous la même conclusion : le chien n’est plus un loup, ni dans sa structure sociale, ni dans son organisation sociale ou dans ses comportements individuels.

Pourquoi cela ne s’applique pas à la relation homme-chien et quels sont les dangers de l’utiliser ?

Pour définir la relation qui s’établit entre l’homme et le chien, le concept de Hiérarchie dominance-subordination est fréquemment utilisé. Or, sur le plan éthologique, la relation interspécifique ne peut être décrite d’après la hiérarchie de dominance-subordination intra-spécifique : en effet, comme nous venons de le voir, cette dernière permet de structurer le groupe et de limiter les conflits en situation de compétition (pour une ressource alimentaire, un partenaire sexuel). Le caractère inter-spécifique de la relation homme-chien exclut de fait toute compétition entre les deux espèces, l’origine de la domestication étant au contraire une symbiose entre ces deux espèces. L’humain subvient en effet aux besoins des espèces domestiques (ressources alimentaires, abris…), et parallèlement ne se trouve pas en compétition avec ces espèces pour l’accès aux partenaires sexuels !

De surcroît, pouvoir imaginer que la prise de contrôle d’un chien par un humain pourrait se faire par la force et la mise à terre comme feraient les chiens entre eux (alpha roll) ne peut conduire qu’à des maltraitances. Face à un chien agressif, la réaction du chien par auto-défense peut-être violente. D’autres éprouvent une peur intense que bien des éducateurs prennent pour de la soumission.

De plus, si l’individu humain considère qu’il est dominant dans la relation homme-chien et si le chien n’exécute pas un ordre commandé, l’humain interprète cela comme un refus de soumission. L’escalade de la maltraitance peut se déclencher et le chien subir des sévices non mérités. Bien souvent l’absence de réponse à une consigne donnée provient d’une mauvaise compréhension inter-spécifique dont le responsable est toujours l’humain.

Alors, comment peut-on décrire la relation homme-chien ? Deux grandes hypothèses sont actuellement avancées.

La remplacer par quoi ?

Une des hypothèses pour décrire cette relation homme-chien serait l’existence d’un “leadership” de l’homme sur le chien. La notion de leadership fait appel à celle de recrutement d’individus au sein d’un groupe. Le leadership a été montré à la fois chez l’homme et chez plusieurs espèces animales. L’animal leader et celui qui déclenche un déplacement, ou celui qui est placé en tête lors de ce déplacement, où l’individu suivi par le plus grand nombre d’individus du groupe. Contrairement à la notion de dominance / subordination, qui est liée à l’organisation sociale d’un groupe, le leadership fait référence à un rôle social, de plusieurs individus au sein du groupe. Le leadership permet d’adapter la vie du groupe à son environnement, ceci excluant la notion de compétition pour faire émerger celle de coopération en vue d’une exploitation optimale du milieu. Ainsi, cette notion de leadership pourrait être compatible avec les relations interspécifique. Le leadership interspécifique a notamment été démontré concernant les déplacement de deux espèces de tamarins ou la recherche alimentaire au sein de groupes mixtes d’oiseaux, potentialisant l’efficacité de recherche alimentaire.

Que connaît-on de cette notion chez le chien ? Actuellement, une seule étude en Italie c’est intéressé au leadership intraspécifique au sein de groupe de chiens féraux, en étudiant la distribution des individus au cours des déplacements. Il ressort deux résultats importants. D’une part, le leadership n’appartient pas à un seul membre du groupe ; un petit nombre d’animaux peuvent-être leaders. D’autre part, les individus leaders sont des animaux plutôt âgée, occupant une position centrale dans le groupe. Il existe une étude récente hongroise utilisant la notion de leadership interspécifique entre l’homme et le chien mais sa lecture précise fait apparaître de graves lacunes quant à sa définition du leadership et donc ne peut être exploité. En l’état actuel des connaissances, aucune étude ne montre l’existence d’un leadership homme chien.

Une autre hypothèse évoquée actuellement est décrite chez les animaux de rente pour définir la relation homme-animal est la balance de la somme des interactions positives, négatives et neutres entre l’homme et l’animal. Les travaux de recherche chez les animaux de rente et le cheval sont à ce jour plus avancées ; les effets du stress lié à une relation homme-animal de mauvaise qualité étant délétères pour la productivité des élevages ou les performances sportives des chevaux. Pour Boivin et coll., “c’est l’ensemble de ces interactions (positives, négatives, et neutres) qui module la perception qu’a l’animal de l’homme et réciproquement, et qui permet de construire la relation entre les individus. En effet, chacun des partenaires de cette relation identifie et adapte son comportement en conséquence à l’autre, voire aux autres par discrimination et généralisation. Il existe une mémoire des interactions. Dès lors, que ce soit pour les partenaires de ces interactions répétées mais aussi pour un observateur extérieur qui les suit sur la durée, il apparaît possible de prévoir l’issue des futures interactions”. De plus, il a été montré que la distance de fuite moyenne des animaux dans une ferme est corrélée négativement avec la proportion de contacts positifs (caresses, paroles calmes) que les hommes leur donnent. L’application de cette balance positive / négative à la relation homme-chien est donc envisageable. Ainsi, en tenant compte des capacités cognitives développées du chien, ce concept explique pourquoi au sein d’un groupe familial un chien peut agresser uniquement un membre de la famille. Pour cet individu humain au regard de ce chien, la somme des interactions négatives (menaces, agressions, coups, punitions) excède celle des interactions positives. Bien évidemment la notion d’interactions positives, négatives ou neutres dépend de chaque individu et c’est l’observation fine des comportements du chien qui nous permet d’évaluer son interprétation de l’interaction et de connaître son état émotionnel (peur, frustration, joie, colère, etc.). La relation homme-chien est complexe et il est illusoire de vouloir la simplifier.

La relation interspécifique homme-chien reste encore à étudier afin de la décrypter dans son ensemble. Cependant, une explication du type dominance-subordination, faisant référence à une structure de famille-meute, doit être reconsidérée. Fondée sur les relations agonistiques négatives, elle ne peut conduire qu’à des maltraitances. Dès lors, en présence de comportements d’agression d’un chien vis-à-vis de l’homme, il semble primordial d’analyser à la fois la motivation de l’animal et son expérience vécue avec les humains.

L’un des éléments-clés dans l’analyse de la relation homme-chien serait la somme de l’ensemble des interactions et plus particulièrement celles perçues comme positives par l’animal, garantes d’une relation de bonne qualité. Maîtriser ces différents concepts (relations intra-spécifique de dominance / subordination, leadership, relation interspécifique, apprentissages) permettrait au professionnel de mieux comprendre les agressions du chien envers l’homme et de conseiller au mieux les propriétaires afin d’améliorer leur relation avec leur chien.

Références :

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